lundi 26 octobre 2009

La vue d'ensemble! - Texte de Pierre Falardeau

Depuis que je suis entré sur le marché du travail à temps plein, j'ai vite appris à y aller prudemment avec la politique. Cela dit, je ne suis pas un si bon élève car une fois que j'ai ouvert mon jeu, je n'ai parfois plus trop de retenu! Avant de continuer plus loin, je tiens à spécifier que je parle ici de conversations sur l'heure du lunch ou à la pause. C'est bien de parler de la météo, de nos rénovations à la maison et autres sujets neutres, mais l'actualité nous donne parfois le goût de jaser politique.

Je veux donc tout d'abord parler des fameuses étapes avant que l'on ouvre notre jeu complètement en milieu de travail. Pour les clients, on ne veut tout simplement pas parler politique et si on embarque, on arrête aussitôt qu'on sent qu'il y a divergence. Par contre avec les collègues, c'est différent, on a les catégories suivantes (du point de vue de quelqu'un qui aime parler de ce sujet):
  • Celui qui exprime haut et fort son opinion (qui est divergente de la nôtre) et qu'on sait qu'il ne respectera pas la nôtre (par l'agressivité qu'il y met, sa façon dogmatique d'en parler ou pour toute autre raison). Ce type-là j'évite le sujet et je vais même parfois aller jusqu'à faire mon caméléon, de façon indirecte (rire d'une pointe politique par exemple). Principalement parce que je ne veux pas faire de chicane et aussi parce que je ne vois pas l'utilité que la personne ne me respecte plus. Entre la transparence totale et le respect, je préfère le respect.
  • Celui qui a une opinion contraire mais chez qui on a décelé de l'ouverture. Car c'est parfois plus intéressant de discuter avec quelqu'un qui a l'opinion contraire et qui a autant de fun que nous à argumenter. Ce type-là, on va y aller étape par étape, très lentement en faisant des tests. Des tests simplement pour sauter le premier et voir si l'autre a la même opinion, mais sans avoir trop exposé la nôtre. D'autres tests ensuite où on fait des coming out sur des sujets de plus en plus viscéraux.
  • Celui qui semble ne pas avoir d'opinion politique, qui ne grimacera jamais, peu importe votre côté sur tel ou tel sujet. Si on se sent l'âme de missionnaire, on peut parfois lui faire un exposé bien complet sur un sujet, histoire de se pratiquer dans nos exposés, d'être certain de l'avoir convaincu tant qu'à en avoir parlé et, il faut bien l'avouer (pour ceux ou celles qui me ressemblent) pour faire sortir la pression: on avait envie d'en parler! Par contre, comme n'importe quelle catégorie, on va y aller relax, on ne lui parlera tout de même pas de politique comme on peut le faire entre amis.
  • Celui qui a la même opinion que nous. Habituellement, on s'en rend vite compte (que la personne l'ait dit ou non), les signes ne trompent pas. Les petits commentaires par ci par là ne sont jamais hasardeux au bout du compte.
Le dernier type que j'ai décrit, c'est pas la majorité dans mon milieu de travail. Ayant une formation et un emploi technique, je baigne dans un milieu conservateur. Ça a été le cas dans tous mes emplois techniques. Souvent, j'ai eu affaire au premier type décrit plus haut, et je regrettais ensuite d'avoir parlé. Surtout dans le cas de gens qui croient pouvoir faire la connexion avec tous les autres sujets de la Terre et qui parfois vont te dire "... mais toi je suppose que tu crois le contraire...". Bref, j'ai appris à me la fermer (tout est relatif, évidemment) et j'ai même des fois développer la peur que l'autre perce mon opinion. Pour éviter la chicane et surtout le non-respect par la suite. C'est con je sais, mais je suis honnête, c'est comme ça que je pense et je suis persuadé que je suis loin d'être le seul.

Tout ce beau préambule pour le sujet auquel je voulais arriver aujourd'hui!

Il y a quelques mois, alors que j'en étais encore qu'aux étapes initiales avec un collègue avec des opinions contraires sur certains sujets donc sur la question nationale, je me disais qu'il avait tout de même l'air ouvert d'esprit. Je crois encore qu'il l'est d'ailleurs. J'ai donc fini par lui dire très franchement "je suis souverainiste". À Québec, paradoxalement la future capitale d'un éventuel pays, ça ne passe pas très bien de dire ça. Il y a différentes raisons à ça et je vais finir par à faire un sujet sur le blog. Rajoutez par dessus ça le côté domaine d'emploi technique. Mais mon but est plus de dire que c'est vraiment un sujet délicat et que pour certains, t'es franchement con et dépassé si tu penses comme moi. Donc, je me souviens d'une fois où il m'a lancé "écoutes, le référendum ça fait 15 ans, c'est plus pareil maintenant, les gens sont rendus ailleurs" et ainsi de suite.

J'avoue que ça m'est resté dans la tête. C'est vrai, si on regarde le présent, il a raison. Le taux d'appui à l'idée d'indépendance ne doit pas actuellement dépasser les 40%. Bien des gens associent l'option au PQ et semblent penser qu'un pays du Québec serait forcément centre-gauche comme le PQ ad vitam eternam. N'étant pas centre-gauche, ils sont fédéralistes (comme si c'était sur le "même axe du graphique"!). Bref, j'ai mes moments de découragement, de me demander si je ne suis pas juste borné et que je refuse de me moderniser comme certains disent. En même temps, c'est une flamme et je sais que de cesser d'y croître, c'est d'éteindre une partie de moi et du sens que je donne à certaines choses.

Voilà que tout à fait par hasard ce soir, en jetant un coup d'oeil d'un blog que je lis depuis quelques années, j'apprends que la blogueuse tue son blog et en lisant ceux qui ont commenté la fermeture, je saute au blog de l'un d'entre eux et je trouve ce petit bijoux qu'est selon moi le lien que je viens de mettre dans ma section "Liens intéressants" en haut à droite. C'est le texte lu par Luc Picard au Moulins à images. C'est une lettre que Falardeau a écrit pour son fils lors du référendum de 1995, alors que son fils était encore aux couches.

Malgré que Falardeau sacrait un peu trop, était souvent plus convaincu que convainquant, je comprends ce que ce gars-là a vécu. Contrairement aux politiciens que l'on peut accuser, à tort ou à raison, d'opportunisme, on se doit d'admettre que c'était un homme de conviction. À bien des niveaux, je pense comme lui en ce sens que pour moi aussi c'est un des grands drames de ma vie. Je sais que le Québec est un des rares peuples sur la Terre a avoir rejeté 2 fois l'auto-détermination, par la voie démocratique en plus. Mais sachant que pour bien des gens, c'était "non" à cause de la peur ou de la non-confiance envers les capacités de son propre peuple à se gérer soi-même, je me dis que ce ne sont pas des bonnes raisons, que quitte à devenir fédéralistes pour d'autres raisons, la peur et le sentiment d'infériorité ne peuvent pas être pertinentes comme raisons.

Mais ce que j'ai aimé dans le fameux vidéo que je viens de visionner, c'est que Falardeau me rappelle que depuis 230 ans, le combat dure. Il a connu ses hauts et ses très bas, et pourtant il est toujours revenu, c'est un combat fondamental, comme le combat contre l'esclavagisme ou celui sur l'égalité entre les sexes. Oui à la mondialisation, oui à une seconde langue commune, mais il faut sauvegarder la diversité car c'est ce qui amène l'évolution. C'est vrai que 15 ans c'est rien dans une histoire qui dure maintenant depuis 246 ans. La vue d'ensemble! C'est comme la bourse, il ne faut pas tout vendre au moindre soubresaut. Ainsi vont mes valeurs.

Dans un grand pays avec deux peuples qui ont des points du vue parfois différents de par leur culture, on arrive souvent à des compromis, qui sont en réalité des décisions avec peu d'avancement. Croyez-vous qu'on serait rendu au même point au point de vue des transports, de l'environnement, de l'intégration des immigrants si le Québec était un pays depuis 15 ans? Ou même 25 ans? Et du côté fierté, politiques militaires? Et du côté de la dépendance au pétrole.

Un Québec sans le lobby de l'Alberta n'aurait-il pas mis de l'argent de recherche pour des énergies alternatives. Pourquoi un pays aussi petit que le Danemark est rendu plus loin de ce côté? Think big n'est pas supposé être une doctrine inplacable? Moi je crois que le Québec nuit au Canada anglais dans la prise de son identité et vice-versa. Et je crois surtout que l'Amérique du Nord est assez vaste pour avoir 4 pays, regardez les autres continents, la vue d'ensemble! Le Québec demeurerait dans les puissances industrielles, nos entreprise ne se volatisera pas! Pas plus que notre ingéniosité et notre sens des affaires.

Juste à voir où nous étions en 1950 et où nous sommes présentement, je ne vois vraiment pas pourquoi certaines personnes s'inquiètent. La confiance en soi (ou, à l'extension, la confiance envers notre propre peuple) c'est pourtant si important, si crucial. Nous sommes une grande famille et dans une famille, on doit se faire confiance. Certaines personnes pensent pourtant que le reste de la famille est arriérée, stupide et qu'elle a une culture qui ne vaut pas la peine d'exister.

Bien voyons donc! Il faut qu'on redonne la fierté à ces gens. Certains sont même prêts à aller jusqu'en Cour Suprême du Canada pour réclamer le droit d'assimiler leurs enfants dans des écoles anglaises. Pensez-y... Imaginez-vous ce scénario en Allemagne, en Espagne, en France, au Japon?

Pour terminer, écouter Luc Picard lire le texte m'a rappelé pourquoi je pensais ainsi, pourquoi il faut continuer. Que tant qu'il reste un feu, aussi petit soit-il, tout reste possible. On en rira peut-être dans quelques années. Dans les livres d'histoires, la période de déprime post-défaite référendaire que l'on traverse ne sera même pas mentionnée...

1 commentaire:

  1. Je te connais assez pour savoir que tu veux la souvernainete du Quebec pour de "bonnes" raison. Je veux dire que tu la veux parce que, profondement, tu y crois. Si tout le monde qui ont vote "Oui" au referendum etait comme ca, le Quebec serait deja souverain. En realite, pour beacoup de gens, le vote se decide avec le compte en banque plutot qu'avec leur coeur. Par exemple, les gens peuvent etre indignes par la politique en environnement des Conservateurs mais ils voteront pour eux a cause de 1% de TPS...
    De mon cote, je ne suis pas souverainiste. Je dirais que tout ce debat me rend triste a cause du tort qu'il fait au Quebec et au Canada.
    A quelque part, il faut accepter que le Quebec, en date d'aujourd'hui, n'est pas souverain et agir en consequence. Au lieu de ca, ce debat en polarise bien d'autres qui n'ont rien a avoir avec la souverainete du Quebec et nous fait faire du sur place.

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